(TITRE À PARAÎTRE LE 28 MARS 2025)
En vif relate le quotidien d'une quinzaine d'adolescents, placés par l'Aide Sociale à l'Enfance dans la Maison d'enfants à Caractère social (M.E.C.S). Le texte écrit par Valentine Gauthier Fell est le fil narratif de l'édition, une chronologie sur deux journées, qui permet de s'immerger dans la vie de la M.E.C.S. Il pose le contexte, ponctue les images, cisaille leur flot. Les images prises par les adolescents, avec et sous le regard de Rebekka Deubner, sont les voix intimes du livre. Les jeunes se sont emparés de l'appareil photo pour s'approprier, enregistrer et dévoiler leur vie singulière. Si le texte se fait squelette, les images se font tripes et muscles.
Explorer les univers de la marge par le décor, l’image ou l’écriture: Valentine Gauthier Fell, qui vit en France, mène ses travaux personnels en usant de différents supports. Mais l’ambition est commune: mettre en scène les espaces et les êtres qui sont «à part» – invisibilisés, enfermés, ou ignorés – par l’observation minutieuse du détail et du sensible. Ces divers modes de récit permettent de porter un regard sur le monde et l’altérité. Et de céder la parole, sans parti pris si ce n’est celui de l’empathie, à des actrices d’un théâtre érotique, à des femmes de prisonniers, à des adolescents placés dans une Maison d’Enfants à Caractère Social. Deux ans auront été nécessaires – en partielle immersion – pour conduire ce dernier projet: il faut de la lenteur pour capter l’infime et l’intime.
Rebekka Deubner est une photographe-plasticienne née en 1989 en Allemagne. Elle vit et travaille en Île-de-France, alliant pratique personnelle, photographie de presse et commerciale. Elle est à sa manière une diariste. Sa pratique s’inscrit dans la continuité de ce pan de l’histoire de la photographie qui revendique une approche associant le banal, le micro-événement et l’écriture de soi. Ses images incarnent ses questionnements autour des corps mutants, végétaux-animaux-minéraux, leur filiation et leurs inter-dépendances. Que ce soit à l’échelle de pratiques intimement politiques comme la contraception, d’un deuil personnel, d’une catastrophe dans le préfecture de Fukushima, ou de la question de l’eau dans le territoire des Deux-Sèvres, son regard s’attarde sur l’intimité, le geste, la peau et l’empreinte pour parler de ce qui lie. La photographie forme le cœur de sa pratique, s’agrégeant avec du son, de l’édition, de la vidéo, du texte et des objets afin de déployer des espaces engageants et sensibles.
Photographies du livre: © Virginie Ribaut Studio